Interview d’Angélique Daubercies – Chargée des Observatoires de la biodiversité chez NOÉ
Angélique Daubercies en charge des Observatoires de la Biodiversité a accepté de nous en dire plus sur les sciences participatives.
Pourriez-vous nous en dire plus sur vous et votre mission ?
Je suis Angélique Daubercies, je travaille pour l’association Noé depuis presque 1 an et demi. Je suis en charge des programmes « Observatoires de la Biodiversité », des programmes de sciences participatives que nous portons en coopération avec des structures scientifiques, principalement le Muséum national d’Histoire naturelle.
Mon rôle en tant que chargée des Observatoires concerne les volets animation et développement de ces programmes de sciences participatives (animation de la communauté des participants, développement de nouveaux outils et de nouveaux programmes en lien avec les questionnements scientifiques actuels, etc.).
Le Muséum de son côté a en charge la partie scientifique, à savoir le recueil des données, la gestion de la base de données et toute l’analyse qui peut en être faite, ainsi que la définition et l’amélioration des protocoles d’observation.
De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de sciences participatives ?
Un programme de sciences participatives est un programme qui vise à collecter des informations en impliquant la participation d’un public dans le cadre d’une démarche scientifique.
Il en existe dans beaucoup de secteurs bien que ce soit plus courant dans le domaine de la biodiversité. Selon le programme, différents publics sont visés. Il y a des programmes qui sont ciblés sur les naturalistes, c’est-à-dire des gens qui ont déjà une connaissance de certaines espèces. Je pense par exemple au programme STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Il s’agit du premier programme de sciences participatives qui a été créé en France ; il s’adresse à un public d’ornithologues avertis.
Nous pouvons toucher aussi des professionnels, c’est le cas du programme PROPAGE (Protocole papillons gestionnaires). Il y a également l’Observatoire agricole de la biodiversité qui s’adresse à un public d’agriculteurs professionnels. Et puis il y a des programmes qui s’adressent au grand public. Ce que nous appelons le grand public, c’est vraiment un peu tout le monde au sens large : des personnes qui peuvent déjà avoir des connaissances naturalistes, mais aussi des néophytes. C’est le cas d’un de nos programmes, l’Opération papillons.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous investir dans ce type de projet ?
Ce qui m’a donné envie de travailler sur les observatoires de sciences participatives, c’est que je suis convaincue de l’utilité de ces programmes-là.
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À la fois pour les gens qui y participent
Pour mieux connaitre la nature qui nous entoure. Ce sont des programmes qui sont centrés sur la nature de proximité, la biodiversité ordinaire. Cela vient compléter les actions de protection de la nature telle qu’on les entend souvent, où l’on protège des espèces menacées ou très rares. Ici, on se préoccupe de la biodiversité que l’on voie tous les jours et qui a tendance à être laissée de côté dans ce combat pour la protection de la nature.
La biodiversité ordinaire est une thématique qui m’intéresse beaucoup et je suis donc absolument convaincue par l’utilité des sciences participatives. Il est important que les gens se réapproprient la nature qui les entoure et réapprennent à mieux la connaitre.
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Et pour le côté scientifique
Le côté scientifique est vraiment important, car le but d’un programme de science participative est de pouvoir récolter des données sur une échelle spatiale très large avec beaucoup de personnes qui réalisent les relevés et sur un pas de temps très important. C’est souvent quelque chose que les scientifiques dans le cadre d’études qui ne sont pas participatives vont avoir du mal à mettre en place.
Il y a vraiment ce double intérêt à la fois scientifique et à la fois en sensibilisation que je trouve très intéressant.
Et pour la petite anecdote, j’ai moi-même été participante à l’Opération papillons. Une expérience que j’ai appréciée et qui m’a donné d’autant plus envie de m’engager davantage et de travailler dessus.
Si vous deviez dire quel est le projet de sciences participatives qui a le mieux marché ou qui intéresse le plus les gens, lequel citeriez-vous ?
Parmi ceux que l’on anime, celui qui marche le mieux est l’Opération papillons (son ancien nom était « l’Observatoire Papillons des Jardins »).
C’est celui qui fonctionne le mieux pour plusieurs raisons.
Déjà parce que ça a été le premier programme pour le grand public à avoir été lancé en France, en 2006. À l’époque, il avait été très médiatisé et beaucoup de gens s’étaient inscrits.
Une seconde raison est que le protocole à mettre en place, c’est-à-dire la façon d’observer et de récolter les informations, est très simple et accessible à tous. On a produit un certain nombre d’outils pour vraiment accompagner les gens et faciliter l’observation.
Depuis 2006, on a eu plus de 10 000 participants qui ont envoyé des données, ce qui représente plus de 1,5 million de papillons comptés.
De plus, nous avons pu en tirer un certain nombre d’informations scientifiques : sept publications s’appuyant sur ces données-là sont sorties. C’est vraiment notre succès.
Et globalement, les papillons ont une bonne image auprès du public. C’est donc plus simple de mobiliser les gens sur cette thématique. Un observatoire sur les araignées aurait peut-être eu un peu moins de succès.
Vous disiez que le protocole de l’observatoire des papillons est simple et accessible à tous. Pourriez-vous donner des précisions à tous les gens qui se demandent comment ça se passe ?
Pour l’Opération papillons, le principe va être de sortir dans son jardin, sur son balcon ou même dans un jardin public, à la fréquence que l’on souhaite.
- On va observer et compter les papillons que l’on voit.
- On va les identifier grâce aux outils que l’on propose
- Pour chaque session d’observation, on va noter pour chaque espèce le nombre maximum de papillons que l’on a vu en même temps. Le fait de les avoir vus simultanément est très important pour être sûr de ne pas compter deux fois le même individu. Par exemple, si j’observe un azuré, que je le perds de vue et le revoie plus tard dans ma session d’observation, je ne le compterai qu’une fois.
- Pour chaque semaine où l’on a fait des observations, on va renseigner les données sur le site https://www.sciences-participatives-au-jardin.org/.
Ce qui facilite aussi la participation, c’est que l’on n’impose pas de fréquence d’observation. On peut observer le temps que l’on veut, 1 heure comme 5 minutes. Pour chaque semaine d’observation, on a le choix du nombre de jours où l’on va observer. Enfin on n’oblige pas du tout à observer toutes les semaines. Il y a des personnes qui sont peu disponibles et qui veulent juste observer très ponctuellement et c’est tout à fait possible.
Ça reste très libre et peut donc s’adapter à tous les profils et à toutes les personnes qui peuvent être intéressées.
Faut-il avoir une qualité particulière pour participer à ces projets ?
Pour moi la principale qualité va être la curiosité, l’envie de savoir ce qu’il y a autour de soi et de connaitre un peu mieux la nature. Sinon, nous ne demandons aucun prérequis. Comme je l’indiquais, c’est accessible aux néophytes donc il ne faut pas se mettre de barrières ; de même pour la disponibilité en temps comme je l’évoquais.
Cela peut également intéresser des personnes qui ont un angle de vue un peu plus militant, une envie de protéger la nature. Car, en participant à des études scientifiques, on va aider à mettre en place des actions permettant de protéger la biodiversité qui nous entoure.
Quels sont les autres programmes portés par Noé ?
Noé porte un autre observatoire pour le grand public qui s’appelle l’Observatoire de la Biodiversité des Forêts, mis en place avec l’UMS PatriNat (Unité Mixte de Service Patrimoine Naturel ; OFB-CNRS-MNHN). Le principe est de se promener en forêt et de rechercher un certain nombre d’espèces qui font partie de cet observatoire. Il y a une liste de 42 espèces à rechercher et, grâce à une application smartphone (« Mission forêt avec Noé »), on va prendre en photo chaque espèce trouvée et envoyer sa donnée. Cela permet d’avoir la localisation et le jour où l’on a vu cette espèce.
Ensuite, nous allons reverser ces données dans la base de données de référence de la biodiversité en France qui s’appelle l’INPN (Inventaire National du Patrimoine Naturel)
L’intérêt de cet observatoire est d’améliorer les connaissances sur la répartition de ces espèces forestières.
Toujours en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle, nous avons un troisième observatoire qui s’adresse aux gestionnaires d’espaces verts (et non au grand public). Il s’appelle PROPAGE (Protocole Papillon Gestionnaires).
C’est un peu une déclinaison de l’Opération papillons, qui a été faite spécifiquement pour les gestionnaires d’espaces verts, dans les collectivités ou dans les entreprises. Il permet de faire le lien entre la présence ou l’absence de papillons et le mode de gestion mis en place dans l’espace vert.
Un grand merci à Angélique Daubercies pour le temps qu’elle nous a accordé, sa pédagogie et son enthousiasme pour ces beaux projets.
Angélique nous a glissé que d’autres projets sont en cours de préparation. Promis on vous dit tout dès que l’on en sait un peu plus.
J’espère que cette belle interview vous donnera envie de vous engager.
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