L’artificialisation des sols menace la biodiversité
En ce moment même le gouvernement débat à propos de la loi climat qui a pour ambition de mieux contrôler le développement urbain et ses conséquences. L’urbanisation accompagne l’histoire de l’humanité et s’accélère au fil des siècles, notamment depuis la révolution industrielle. L’urbanisation se manifeste par l’augmentation continue de la population des zones urbaines et cela a pour conséquences de grignoter l’espace au sol disponible pour étendre les agglomérations. En 2017, 79,2 % de la population française vit dans une unité urbaine contre 78,5 % mesurée dix ans auparavant selon l’INSEE. De plus, environ 180 000 maisons individuelles neuves sont construites chaque année en France. Le phénomène d’urbanisation du territoire engendre une artificialisation des sols et menace la biodiversité qui voit son espace se restreindre.
L’urbanisation en France
En France, l’urbanisation commence progressivement avec la Révolution industrielle au milieu de XIXe siècle. La progression de l’activité économique accélère la transition d’un modèle essentiellement agraire caractérisé par la prédominance de la propriété agricole vers un modèle plus industriel. Les populations ont déménagé pour trouver des emplois le plus souvent proposés dans les villes. De nos jours la vitesse du phénomène d’urbanisation a diminué, mais continue de progresser chaque année. Cependant, alors que la première phase d’urbanisation concentrait essentiellement les populations dans les centres-villes, depuis une trentaine d’années nous assistons à la péri-urbanisation avec des individus qui s’installent autour des centres-villes c’est à dire en banlieues.
L’objectif à atteindre « zéro artificialisation nette »
Le phénomène d’artificialisation se caractérise par la transformation du sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale. L’artificialisation des sols se développe surtout dans l’aire urbaine des métropoles et sur le littoral. Cette artificialisation vise à attribuer des fonctions urbaines ou de transport à des territoires qui n’étaient pas encore exploités.
Trois secteurs sont responsables de l’avancée de l’artificialisation des sols en France :
- Habitat – 40 % : la profusion de maisons individuelles
- Infrastructure de transport – 28 % : la construction de nouvelles routes
- Services et loisirs – 16 % : zone commerciales et parcs de loisir
L’habitat est le secteur qui demande le plus d’artificialisation des sols, cela s’explique par la tendance à la décohabitation, la réduction du nombre d’individus vivant dans un ménage et aussi par la forte croissance des résidences secondaires et des logements vacants.
Sur le plan des impacts environnementaux, l’artificialisation des sols impacte considérablement la biodiversité terrestre (épigée) et la biodiversité du sol (endogée). En effet, ce phénomène modifie les processus hydrologiques en imperméabilisant les sols, ainsi cela accélère le ruissellement des eaux pluviales, augmente le risque d’inondations et dégrade la qualité chimique et écologique des eaux. D’autre part, l’artificialisation engendre la création d’îlots de chaleurs urbains. Enfin, la faune pâtit de la perte d’habitats et de la fragmentation de l’espace, les espèces généralistes sont plus présentes car elles s’adaptent mieux à un environnement artificialisé que les espèces caractéristiques des milieux d’origines. Toutes ces conséquences favorisent une accélération du changement climatique.
Nous prenons conscience qu’il faut réduire les pressions constantes exercées sur la nature, ainsi la protection de la biodiversité est devenue un enjeu majeur à l’échelle nationale et internationale. Le Plan biodiversité lancé en 2018 souhaite limiter l’utilisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers afin de parvenir à l’objectif de zéro artificialisation nette. Cependant, encore 23.907 hectares ont été pris par l’urbanisation sur les sols naturels et agricoles en 2017, soit la surface de la ville de Marseille (24.060 hectares).
Actuellement le gouvernement compte réduire de moitié le rythme de l’artificialisation des sols sur les dix prochaines années avec la loi climat (Projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets). L’artificialisation des sols ne sera plus possible à condition de répondre à un besoin démographique ou économique et si les alternatives comme réaliser le projet sur une friche ou densifier une zone déjà urbanisée sont impossible. La création de nouvelles zones commerciales de plus de 10 000 m2 sera désormais interdite, ce qui laisse supposer que les zones commerciales de moins 10 000 m2 pourrons toujours être construite.
Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) explique que l’efficacité de l’artificialisation augmente, mais à ce rythme d’évolution, l’objectif de zéro artificialisation nette pourrait être atteint seulement en 2070.
Solutions contre l’artificialisation des sols
Pour atteindre l’objectif du taux de zéro artificialisation nette, il est nécessaire de réfléchir à l’efficacité de l’artificialisation des sols. Pour limiter la consommation d’espaces naturels ou agricoles, il existe plusieurs leviers tels que :
- la planification du développement urbain à l’échelle du territoire,
- les opérations de renouvellement urbain (rénover et réhabiliter des quartiers, optimiser les espaces en friche)
- l’amélioration de l’efficacité de l’artificialisation en prenant en compte le bien-être des habitants.
L’architecture peut jouer un rôle dans le ralentissement de l’artificialisation en utilisant les bâtiments déjà existants pour les transformer et les rénover plutôt que de construire de nouveaux bâtiments. En adoptant une vision territoriale l’architecte peut considérer le bâti inoccupé tel que des bureaux vides ou des bâtiments publics administratifs abandonnés comme la première ressource pour ses futurs projets. Cette approche peut être considérée comme de l’architecture durable, car elle cherche à minimiser l’impact négatif des bâtiments sur l’environnement.
Une autre idée pour éviter de construire sur des sols naturels est d’optimiser l’usage de bâtiments déjà existant en les rendant « multifonctions ». Le projet de réhabilitation d’un ancien bâtiment à Rennes mené par des architectes français du collectif Encore Heureux illustre la possibilité d’associer plusieurs fonctions à une construction. Ce projet de réhabilitation de l’hôtel Pasteur est une expérimentation qui associe trois programmes que sont :
- une école maternelle,
- un centre d’information-école
- un Hôtel à Projets.
Il s’agit là d’une démarche intéressante, car elle offre un nouveau dynamisme social en rassemblant des activités diverses à un endroit qui n’avait plus d’utilité.
Enfin, il est possible de redonner de l’espace à la nature avec la renaturation des espaces imperméabilisés, notamment dans les centres villes où la nature a quasiment disparue.
Cela passe par :
- la mise en place de mur ou d’une toiture végétalisée,
- l’élaboration d’un système de récupération d’eau,
- la transformation du sol imperméable en un sol drainant,
- la création de potager au sein des villes
- l’installation de ruches pour accueillir les abeilles nécessaires à la pollinisation des plantes.
Malgré un investissement financier et du travail pour retrouver toutes les caractéristiques physiques des sols, la renaturation devient vitale dans les centres-villes.
Conclusion
L’urbanisation en France va inexorablement continuer à se développer en entraînant une artificialisation des sols avec pour conséquence un recul de la biodiversité et une accélération du réchauffement climatique. Les institutions publiques ont pris conscience du problème en proposant des stratégies à appliquer pour ralentir le phénomène d’artificialisation. Il est primordial de repenser la ville à travers le recyclage urbain. Les sols naturels, agricoles et forestiers constituent un patrimoine qu’il convient de valoriser. Enfin, nous avons aussi notre part de responsabilité, lorsque l’idée de faire construire une maison sur un terrain encore naturel se présentera, alors réfléchissez à une solution alternative comme la rénovation et la réhabilitation d’un bâtiment déjà existant.
Sources :
- Association Française de l’étude des sols https://www.afes.fr/afes/presentation-afes/
- Cerema, « Artificialisation des sols : quelle dynamique ? », 2020. https://www.cerema.fr/fr/actualites/artificialisation-sols-quelle-dynamique
- INSEE, Vianney Costemalle, « Toujours plus d’habitants dans les unités urbaines », 2020. https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806684
- Ministère de la transition écologique, « Artificialisation des sols », 2020. https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols
- Encore Heureux architectes, « Projet Pasteur », 2020. http://encoreheureux.org/projets/pasteur/
- L’Est Républicain, Audrey FISNE-KOCH, « Comment la loi climat veut ralentir l’artificialisation des sols », 2021. https://www.estrepublicain.fr/environnement/2021/03/16/comment-la-loi-climat-veut-ralentir-l-artificialisation-des-sols
- INRA et IFSTTAR, « Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action », 2017. https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-resume-francais-8-pages-1.pdf
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